A.A.R.C. Canadien, 27 juillet 1896–25 mars 1971
« Mon lieu de prédilection à la campagne est un petit lac dans les Laurentides… Un lac magnifique! Aux eaux profondes, claires, fraîches et agréables. Tout autour, la campagne était ondoyante, comme faite de petites montagnes et de ravins, de sorte que l'on pouvait, sans avoir à faire de grandes distances, s'asseoir, se retourner et admirer une toute nouvelle composition. » Anne Savage, 1967

par Barbara Meadowsworth

Pendant une trentaine d'années, Anne Savage a joui d'une grande notoriété à Montréal en tant que professeur d'art. Toutefois, sa peinture était moins connue. Et bien qu'elle ait participé aux grandes expositions internationales des années 1920 et 1930, et qu'elle ait présenté ses toiles régulièrement avec le Canadian Group of Painters, Anne Savage n'a eu droit à une rétrospective qu'en 1969 lorsque, à son grand plaisir, ses anciens élèves ont organisé la Rétrospective Anne Savage à l'Université Sir George Williams.

 

Depuis la mort du peintre en 1971, ses toiles sont de plus en plus appréciées grâce à une exposition itinérante organisée par le Musée des beaux-arts de Montréal intitulée Anne Savage : Sa vision de la beauté. Le catalogue de l'exposition préparé par Janet Braide ainsi que la biographie rédigée par Anne Mc Dougall, nièce du peintre, et intitulée Anne Savage: The Story or a Canadian Painter nous permettent de beaucoup mieux comprendre la vie et l'œuvre de l'artiste.

 

Anne Savage est issue d'une famille de la classe moyenne de la fin de l'époque victorienne. Dans son milieu, les femmes étaient encouragées à exercer leurs talents au sein du cercle familial; mais comme Anne McDougall et Janet Braide l'ont indiqué, Anne Savage en faisait bel et bien une carrière. Qu'est-ce qui a incité Anne Savage à devenir une artiste professionnelle? Qui étaient ses modèles? Et comment a-t-elle réussi à allier deux carrières, soit celles d'artiste et de professeur?

 

Annie Douglas Savage et son jumeau Donaldson Lizars sont nés à Montréal le 27 juillet 1896. À l'âge adulte, le peintre changea son prénom Annie pour Anne qu'elle jugerait plus digne. Son père John George Savage (1840-1922), homme d'affaires montréalais, était veuf avec sept enfants quand il a rencontré Helen Lizars Galt (1849-1942). Il s'est remarié le 6 avril 1983 avec Helen, ou Lella comme on l'appelait toujours, et ils eurent quatre enfants : Helen Galt (née le 25 Septembre 1894), les jumeaux et Lilias Elizabeth qu'on surnommait Queenie (née le 12 juillet 1898).

 

Quelque temps après la naissance de Queenie, la famille s'est installée sur une ferme à Dorval. Selon Anne Savage, le fait d'avoir grandi à la campagne est certainement à l'origine de son grand amour de la nature. Dans une esquisse autobiographique, elle témoigne du plaisir sensuel qu'elle prenait à admirer les pommiers en fleurs, à écouter le chant aigrelet des rouges-gorges et à voir mûrir les petits fruits rouge orangé qui s'accrochaient aux sorbiers. Elle ajoutait : « Le cycle de vie de la nature m'émerveille, depuis les plus petits bourgeons aux feuilles écarlates et même jusqu'aux branches dénudées; pour moi, tout tient du mystère.»

 

Pendant l'été, la famille Savage au grand complet, y compris les demi-frères et sœurs, se rendait à Métis, dans le bas Saint-Laurent. Comme Anne Savage l'a écrit dans sa correspondance à Arthur Calvin, qui était alors étudiant de deuxième cycle universitaire en pédagogie artistique, la mer « m'impressionnait profondément tant elle était imposant et animée d'une force extraordinaire. » Malgré tout, Métis, ses rochers majestueux et ses plages de sable fin jonchées de coquillages et d'algues étaient de toute évidence pour elle une grande source d'inspiration. Même adulte, Anne Savage y retournait fréquemment pour peindre, habituellement au début de l'été.

 

En 1911, John Savage a acheté un petit lac dans les Laurentides, à environ huit milles de Morin Heights. Le lac Wonish est devenu un endroit sacré pour Anne Savage. C'était à la fois un lieu de plaisir avec la famille et les amis ainsi qu'un refuge où elle pouvait peindre à satiété.

 

Le premier été passé au lac Wonish a probablement grandement marqué tous les membres de la famille Savage. En effet, le tout nouveau cottage n'avait ni électricité, ni eau courante, sans compter qu'un incendie de forêt avait dévasté un côté du lac, épargnant à peine quelques arbres. Mais pour les adolescents, la chose la plus difficile à accepter était l'isolement. Ils étaient coupés de la vie sociale forte agréable de Métis et forcés d'inventer leurs propres passe-temps.

 

En étudiant la vie des femmes créatrices, j'ai souvent remarqué qu'il y avait un événement, par exemple, une maladie ou un déménagement, qui les plongeait temporairement dans la solitude et qui les forçait à puiser à même leurs ressources intérieures. Dans le cas d'Anne Savage, ce sont sans doute les étés passés au lac Wonish quand elle était adolescente qui l'ont amenée à faire ce cheminement.

 

Anne Savage a eu la chance d'avoir comme modèles deux femmes extrêmement talentueuses, sa mère Lella et sa tante Minnie Galt Clark. Lella et Minnie étaient les petites-filles de John Galt, romancier et fondateur de Guelph, en Ontario, et également les nièces de sir Alexander Galt, un des pères de la Confédération. Elles ont évidemment inspiré chez l'artiste un grand sentiment de fierté familiale, en plus de la sensibiliser à l'histoire. Lella, qui avait été professeur avant de se marier vers la mi-trentaine, a transmis son amour de la lecture à sa fille Anne.

 

Minni Clark, peintre amateur, avait l'habitude de visiter la famille Savage à Dorval. En soulignant que Minni avait hérité son talent de sa propre tante, Anne Savage fait valoir l'importance des modèles dans le développement des jeunes enfants. À six ans, elle-même observait sa tante Minnie qui peignait les érables enneigés qu'elle voyait de la fenêtre. Elle explique qu'elle doit son goût et son désir de peindre à Minnie Clark, précisant que sa tante lui avait enseigné à regarder toutes choses comme si elle devait « les peindre ».

 

C'est au Montreal High School for Girls, où elle a étudié de 1904 à 1914, que la vocation de peintre d'Anne Savage se confirme. Même avec une moyenne supérieure à 70 pour cent jusqu'u secondaire, Anne Savage croyait avoir un esprit plutôt lent. La leçon de dessin était son cours préféré et le fait de recevoir une note presque parfaite dans cette matière a restauré sa confiance en elle. Deux professeurs l'ont encouragée : Miss Stuart, superviseur des arts, qui avait rendu visite à la classe de secondaire quatre et remarqué son dessin d'une sorcière sur un balai de même qu'Ada James, professeur d'art dans les classes avancées. Anne Savage ressentait pour Ada James « du respect, de l'admiration et une certaine affection voilée ». Plus tard, quand Anne Savage devint elle-même professeur, elle était très reconnaissante envers Ada James pour avoir fait face au conseil scolaire tout entier afin de mettre sur pied des cours d'art d'une durée de deux heures.

 

Après le secondaire, Anne Savage s'est inscrite à l'examen d'admission en art de McGill. Elle échoua « brillamment ». Et même si elle plaisante au sujet de son échec dans son entrevue avec Arthur Calvin, cette épreuve a dû ébranler durement sa confiance en elle-même. Tout enfant, Anne Savage avait dit à Minnie Clark : « Quand je serai grande, je serai artiste. » Sa tante avait répliqué : « C'est très bien; tu le peux, mais tu dois te rappeler qu'il ne faut jamais abandonner. »

 

Anne Savage n'a pas oublié le conseil de sa tante. Elle a fait une demande pour étudier à l'Art Association of Montreal (AAM). Non seulement a-t-elle été acceptée, mais en moins d'un an, elle avait mérité une bourse d'études de l'AAM lui donnant droit à deux années de scolarité sans frais.

 

Pendant les cinq années (1914 à 1919) où Anne Savage a étudié à l'AAM, les idées auxquelles elle a été confrontée de même que les amitiés qu'elle a forgées allaient orienter sa vie. Elle a parlé amplement des deux professeurs qui l'ont inspirée, William Brymner, directeur de AAM de 1886 à 1921, et Maurice Cullen. Brymner lui a appris « l'énorme importance de se consacrer aux arts ». Quant à Cullen, qui avait étudié à Paris, il lui a inculqué « les règles de l'art des impressionnistes ». D'après Anne Savage, ce qui l'avait impressionné le plus chez Maurice Cullen c'était « sa façon d'être complètement absorbé par ce qu'il faisait et son amour incommensurable pour le plein air. Il adorait tout de la nature. »

 

À l'A.A.M., Anne Savage a acquis de solides bases en dessin et in peinture. Elle travaillait avec acharnement et durant sa dernière année d'études, elle a remporté le prix Kenneth R. Macpherson décerné pour la meilleure peinture d'un étudiant.

 

La Première guerre mondiale a éclaté quand Anne Savage étudiait à l'A.A.M.. Son jumeau Don, deuxième lieutenant, de même qu'un demi-frère plus âge servaient tous deux dans l'armée canadienne outre-mer. Le 15 novembre 1916, Don a été tué à la Somme. Lorsque John Savage a appris la mort de son fils, il a immédiatement emmené sa famille au lac Wonish. Queenie MacDermot explique comment sa sœur Anne s'est tenue à la fenêtre de la salle à manager, peignant les arbres aux branches dénudées avec des larmes dans les yeux. (La peinture Lac Wonish (pour Don) et le croquis préliminaire font partie de la présente exposition.)

 

La mort inattendue de son frère a renforcé la détermination d'Anne Savage à devenir artiste. Comme elle l'a affirmé à Arthur Calvin : « Je me sentais obligée de faire quelque chose pour compenser cette perte. » L'idée de « relève » était omniprésente durant la Première guerre mondiale. D'ailleurs, Anne Savage avait souvent entendu Brymner parler de cette idée de continuité, lui qui incitait ses élèves féminins à prendre la relève des hommes absents. Pour l'artiste, cela consistait également à porter certaines des responsabilités que Don aurait assumées. Les finances de la famille avaient souffert durant la guerre, avec le déclin du commerce de John Savage, Albert Soaps. En conséquence, Anne Savage estimait qu'elle devait non seulement peindre le mieux possible, mais aussi trouver une façon de faire fructifier son travail.

 

Comme premier emploi, Anne Savage a été artiste médicale à l'hôpital militaire de Sainte-Anne-de-Bellevue. Selon Janet Braide, l'artiste et Dorothy Cole ont été choisies au AAM pour travailler avec le dentiste Waldron de Minneapolis. Les deux jeunes femmes sont allées avec le docteur Waldron à l'hôpital militaire de la rue Christie à Toronto, puis à Minneapolis où elles passaient les après-midi à faire des dessins chirurgicaux pour le docteur Waldron qui pratiquait la chirurgie faciale corrective. Pendant l'avant-midi, elles étudiaient l'art commercial au Minneapolis School of Design.

 

À son retour à Montréal en 1920, Anne Savage s'est réinstallée au 20, avenue Highland, dans la modeste maison à deux étages que son père avait achetée en 1918. Au cours de l'année passée à l'extérieur, elle avait beaucoup gagné de confiance en elle; parallèlement, son importance au sein de la famille avait grandi puisque le peintre n'était plus une étudiante, mais plutôt une femme indépendante occupée à se bâtir une carrière. Elle a vite trouvé du travail chez Ronalds Press. Et comme elle l'a dit à Arthur Calvin : « Je pensais vraiment que j'allais aboutir à New York et devenir une très grande artiste commerciale. Je n'avais aucune âme. Je ne pensais qu'au côté pratique de mon travail. »

 

Au début de 1921, un coup de file du directeur de la Commission scolaire protestante, M. Silver, allait changer la vie d'Anne Savage : celui-ci lui offrait un poste de professeur suppléant. Anne Savage a donc commencé à enseigner l'art à des jeunes filles du Commercial and Technical High School le 10 janvier 1921. Bien qu'elle n'ait jamais reçu de formation officielle en pédagogie, elle avait une certaine expérience de l'enseignement des arts aux enfants. Pendant la guerre, elle avait mis sur pied un cours d'art dans le quartier McGill à l'intention « des petits durs de la rue » comme elle se plaisait à le dire. Mais enseigner dans une véritable école constituait un défi tout à fait différent. Au commencement, elle ne savait pas du tout comment planifier sa matière et s'efforçait tout simplement de donner au cours à la fois. Son directeur, qui suivait ses progrès, était de toute évidence fort satisfait puisqu'en septembre 1922, quant il a été affecté à une nouvelle école sur la rue Saint-Urbain, il a « emmené » le peintre avec lui. Ainsi, à l'âge de vingt-six ans, Anne Savage est devenue professeur d'art au Baron Byng High School, poste qu'elle allait occuper pendant vingt-huit années.

 

Anne Savage était retournée à Montréal à un moment propice. De fait, en mai 1920, plusieurs artistes montréalais, suivant l'exemple du Groupe des Sept de Toronto, ont formé une association d'art afin de présenter leurs œuvres au public. À cette époque, les peintres canadiens avaient beaucoup de difficulté à vendre leurs toiles parce que les marchands d'art et les collectionneurs privés préféraient la peinture européenne. Contrairement au Groupe des Sept, qui partageait la même vision esthétique, le Groupe de Montréal était une association hétérogène d'hommes et de femmes - qui tous étaient ou avaient été des élèves de William Brymner. Ce nouveau groupe avait aménagé ses quartiers généraux dans une maison de la Côte-du-Beaver-Hall où Randolph Hewton et d'autres artistes avaient leur studio. Anne Savage, qui semble avoir été l'un des membres fondateurs du Groupe Beaver Hall, avait l'habitude de pendre dans un des studios après l'école. Selon elle, le Groupe se distinguait par son esprit altruiste, les artistes répondant à l'appel de A.Y. Jackson qui les exhortait à « créer de l'art canadien pour le Canada ».

 

Le 17 janvier 1921, les membres du Groupe Beaver Hall, nom que les artistes avaient eux-mêmes choisi, ont célébré l'inauguration de leur première exposition annuelle. Les quotidiens The Gazette et La Presse ont couvert l'événement, rapportant l'allocution de A.Y. Jackson et citant le nom des dix-neuf artistes - onze hommes et huit femmes - qui ont pris part à cette exposition.

 

Malgré ces débuts impressionnants, le Groupe Beaver Hall n'a organisé que quatre expositions, y compris une présentation conjointe des étudiants du AAM et des élèves de l'école d'Anne Savage. Randolph Hewton a imputé la dissolution prématurée du Groupe à ses difficultés financières. Pour les femmes peintres, contrairement aux hommes, l'esprit du Groupe est demeuré bien vivant. Les amitiés qui étaient nées pendant les classes de Brymner ont été renouées sur la Côte-du-Beaver-Hall. C'est ainsi que les femmes ont continué de travailler ensemble pendant nombre d'années, même après la fermeture des studios du Groupe Beaver Hall. Elles s'encourageaient les unes les autres, partageaient des nouvelles concernant des expositions artistiques et offraient des critiques constructives des travaux de leurs consœurs. À une époque où les femmes avaient énormément de mal à pénétrer le monde des arts dominé par les hommes, ces femmes peintres de Montréal avaient tissé un réseau des plus précieux.

 

Qui étaient ces femmes? Quand Anne Savage parle à Arthur Calvin de son « petit groupe », elle ne fait pas nécessairement allusion aux membres originaux du Groupe Beaver Hall dont faisaient mention The Gazette et La Presse. Apparemment, plusieurs des premiers membres ont abandonné le Groupe, laissant quatre femmes peintres - Anne Savage, Lilias Torrance Newton, Henrietta Mabel May et Mabel Lockerby - qui ont alors devenues le noyau d'un nouveau groupe. En 1966, lorsque Norah McCullough a organisé à la Galerie nationale l'exposition intitulée The Beaver Hall Hill Group, elle a présenté les œuvres de dix femmes, c'est-à-dire les quatre artistes susmentionnées ainsi que Prudence Heward, Sarah Robertson, Kathleen Morris, Nora Collyer, Ethel Seath et Emily Coonan. Depuis cette exposition, les critiques d'art utilisent le nom Groupe Beaver Hall pour désigner non pas les membres fondateurs, mais plutôt ces dix femmes peintres.

 

Toutes ces femmes, à l'exception d'Emily Coonan, étaient des amies d'Anne Savage. Pendant les vacances, Anne Savage visitait Norah Collyer à Foster et faisait des croquis dans les Cantons de l'Est. Après l'école, elle avait l'habitude d'arrêter prendre le thé avec Prudence Heward ou Kathleen Morris. Les peintres en profitaient alors pour montrer leurs croquis et faire des critiques. Quand Anne Savage présentait les travaux de ses élèves de Bron Byng, ses amies s'empressaient toutes d'aller les voir. Comme elle l'a expliqué à Arthur Calvin: « il régnait un esprit remarquable. Nous avions l'habitude de nous téléphoner. As-tu trouvé quelque chose? Que fais-tu? Puis-je monter te voir? Peux-tu descendre? En fait, nous avions beaucoup de plaisir. »

 

Anne Savage transmettait en classe l'amour qu'elle éprouvait pour les arts. Une de ses anciennes élèves, Leah Sherman, maintenant professeur de pédagogie artistique à l'Université Concordia, se rappelle la classe d'art à Baron Byng comme « un endroit tout à fait particulier ». C'était en partie à cause de l'atmosphère, de l'accent mis sur la couleur et la texture, et aussi, d'une certaine façon, parce que c'était un lieu où les étudiants pouvaient « faire valoir leur plein potentiel individuel ».

 

Anne Savage estimait devoir jouer un rôle d'animateur. Aussi, elle racontait des anecdotes ou encore proposait des thèmes d'histoire du Canada pour stimuler l'imagination de ses élèves. Au terme de sa carrière en enseignement, Anne Savage a écrit: « La principale qualité que doit posséder un professeur, c'est la croyance absolue que l'enfant est capable de trouver lui-même sa voie ... il ne saurait être question d'erreur ni de critique, il y a seulement place pour l'appréciation et pour l'amour de ce que l'on fait. »

 

Cette approche « axée sur l'enfant » était tout à fait novatrice dans les années 1920. Arthur Lismer, qui a été nommé directeur adjoint du Ontario College of Art en 1919, prônait une formule semblable. Au cours de l'été 1922, Anne Savage a envoyé à Arthur Lismer quelques-uns des dessins de ses élèves et a reçu par la suite une lettre d'encouragement de ce dernier. Plus tard, elle a assisté à des cours donnés par Lismer le samedi matin aux enfants au Toronto Art Gallery et voici ce qu'elle en a dit: « J'ai une dette énorme envers Arthur Lismer... Je n'oublierai jamais l'impression que j'ai eue en visitant cet endroit et en voyant tout plein d'enfants mus par un enthousiasme des plus extraordinaires, lequel s'étendait d'ailleurs au groupe tout entier.»

 

Selon Leah Sherman, Anne Savage était un excellent modèle pour ses élèves qui, durant ses premières années d'enseignement, étaient toutes des filles. Ses élèves admiraient les tenues d'Anne Savage - non pas parce que ses vêtements étaient dispendieux, mais parce qu'elle avait un don pour harmoniser les couleurs et agencer les styles. Anne Savage était une anglo-protestante d'une famille montréalaise de bonne souche et enseignait dans un quartier peuplé en grande partie d'immigrants juifs. Leah Sherman pense que les élèves, qui remettaient en question les valeurs de leurs parents nés en Europe, ont été influencés par la ferme conviction spirituelle de l'artiste.

 

Alfred Pinsky, professeur de peinture et de dessin à l'Université Concordia, a été l'un des premiers garçons à étudier avec Anne Savage. Il admire la façon qu'elle avait d'intégrer dans ses cours les deux grands buts de l'enseignement des arts: stimuler l'imagination visuelle de tous les élèves et promouvoir le talent de ceux qui étaient particulièrement doués. Comme l'ont remarqué Leah Sherman et Alfred Pinsky, Anne Savage était un fantastique professeur parce qu'elle-même n'a jamais cessé d'apprendre. Cette dernière reconnaissant que « chaque jour, il faut trouver une nouvelle solution à un problème d'enseignement ».

 

Outre l'enseignement et la peinture, Anne Savage a eu beaucoup d'amis et au moins une offre de mariage, mais elle a choisi de demeurer célibataire. C'est peut-être son sentiment de responsabilité à l'égard de sa mère qui a, entre autres, influencé sa décision. Mais le principal facteur a sans doute été son engagement total en matière de peinture. Et qui plus est, elle aimait beaucoup son travail à Baron Byng de même que l'autonomie qu'il lui procurait. Le mariage l'aurait très certainement obligée à abandonner son poste car les femmes mariées des années 1920 avaient pour devoir de se consacrer entièrement à leur famille.

 

Dans l'ouvrage Anne Savage: The Story of a Canadian Painter, Anne McDougall a abordé avec beaucoup de sensibilité la relation qu'entretenait sa tante avec le peintre A.Y. Jackson. Ce fut peut-être l'expérience émotive la plus profonde qu'Anne Savage a vécue. Bien qu'A.Y. Jackson et Anne Savage se soient rencontrés en 1919 et aient entretenu une correspondance à partir d'au moins 1925 jusqu'è sa mort à elle, ils se sont vus plutôt rarement. A.Y. Jackson vivait à Toronto, quand il n'était pas en excursion ou en visite chez ses nombreux amis. Son mode de vie pour le moins bohème a peut-être compté parmi les raisons qui ont poussé Anne à rejeter la demande en mariage plutôt timide qu'il lui a fait parvenir en septembre 1933. Bien qu'on ait perdu toute trace de la réponse d'Anne, la lettre d'A.Y. Jackson datée du 8 octobre 1933 donne à penser que c'est surtout à cause de sa mère qu'elle a refusé. Anne Savage a peut-être aussi cru que le fait d'être si proche d'un artiste énergique comme Jackson aurait pu nuire à son individualité en tant que peintre.

 

Anne Savage et A.Y. Jackson étaient gênés quand il s'agissait d'exprimer leurs sentiments sexuels. Jackson avait souvent recours à des descriptions de la nature quand il voulait exprimer sa tendresse pour Anne. Seules ses lettres de l'automne 1933, après leurs vacances avec ses cousins dans la baie géorgienne, témoignent de la nécessité d'assouvir ses appétences sexuelles. Les lettres d'Anne à A.Y. Jackson constituent des pages d'histoire de sa vie - Baron Byng, expositions d'art, famille et amis - et ne comportent que d'occasionnelles allusions à des sentiments plus profonds. Cependant, après la mort de sa mère, Anne Savage a écrit à Jackson pour lui suggérer qu'ils pourraient peut-être faire leur vie ensemble: « Rechercher son propre bonheur est une voie sans issue, mais pouvoir aider quelqu'un d'autre serait fort louable.» Cet altruisme cachait-il ses véritables sentiments? Probablement. Par ailleurs, Anne Savage a peut-être été autant soulagée que déçue quand A.Y. Jackson ne l'a pas encouragée. Cinq ans plus tard, Geneva Baird, nièce de Jackson, a révélé à Anne que la famille Jackson aurait vu d'un bon œil le mariage des deux peintres. Anne Savage aurait alors répondu: « Ça n'aurait jamais marché.»

 

Pendant trente-deux années, Anne Savage a réglé sa vie en fonction du calendrier scolaire. Elle peignait la majorité de ses toiles au cours des vacances d'été et de Pâques, qu'elle passait principalement au lac Wonish. En 1933, elle a fait construire son studio à l'embouchure du lac, entre le cottage Horseshow d'origine et Kilmarnock, la maison en rondins que son père avait fait ériger pour Don. Elle avait besoin d'un endroit où elle pouvait travailler sans interruption de ses sœurs et de leur famille. Elle peignait la vue de ses fenêtres en toutes saisons, changeant l'angle ou l a composition. Parfois, elle invitait un neveu ou une nièce à poser pour elle. Dans Portrait de Mary MacDermot, elle a dépeint la jeune fille près d'une fenêtre donnant sur le lac et les montagnes à l'arrière-plan.

 

La formation du Canadian Group of Painters (CGP) en 1933 a amené Anne Savage à entrer en contact avec un plus grand nombre d'artistes. La nouvelle association, organisée en grande partie par A.Y. Jackson, réunissait les membres du Groupe des Sept, leurs amis de Montréal de même que quelques peintres de l'Ouest. Cinq des femmes peintres du Groupe Beaver Hall, dont Anne Savage, sont devenues membres fondateurs du CGP. Anne Savage faisait fréquemment partie du conseil de direction de la section de Montréal. Les réunions de section étaient parfois houleuses, en particulier lorsque de fortes personnalités comme Arthur Lismer, Louis Muhlstock et Fritz Brandtner ne voyaient pas les choses du même œil. Marian Scott, une individualiste, trouvait qu'Anne Savage était un petit peu trop dominatrice et s'offusquait de son insistance, durant la Deuxième guerre mondiale, à convaincre les membres du CGP de peindre des toiles de guerre.

 

À cause de son horaire très chargé, Anne Savage n'avait pas beaucoup de temps pour voyager. Au cours de l'été 1924, toutefois, elle est allée en Europe. La pochade du square Concarneau, qui fait partie de cette exposition st l'une des rares toiles qui restent de ce voyage, mais l'Université Concordia possède de nombreux dessins représentant des villes françaises, des collèges d'Oxford et des églises anglaises inconnues.

 

En 1927, Anne Savage s'est rendue à la rivière Skeena, en Colombie-Britannique, avec le sculpteur Florence Wyle ainsi que l'anthropologue Marius Barbeau. Le but du voyage consistait à recueillir une documentation visuelle sur les mâts totémiques avant que les ingénieurs ne procèdent aux travaux de restauration des bases. Selon Anne McDougall, l'excitation du long voyage dans les terres intérieures a fait grande impression sur Anne Savage et les croquis qu'elle en a ramenés témoignent bien de l'intensité de ses sentiments. Dans sa toile Paradis perdu (Temlaham, Haute rivière Skeena, C.-B.), le peintre fait ressortir les qualités intrinsèques du paysage, la majesté des montagnes et le mouvement rythmique de la rivière.

 

Anne Savage a fait deux autres voyages dans l'Ouest. Pendant l'été de 1937, elle a donné des cours à l'intention des professeurs d'art à Edmonton et à Calgary, tandis qu'en 1949, elle a enseigné à la Banff School of Fine Arts. Même si l'artiste réussissait à rendre de beaux contrastes de feuillages clairs et sombres, comme dans la toile Whisky Creek, B.C., elle n'aimait pas particulièrement peindre dans l'Ouest: « Je n'ai pas aimé l'Ouest. Non. Pour moi, l'Ouest était trop vertical... C'est la diversité qui fait la beauté des paysages au Québec. Dans l'Ouest, il n'y a qu'une suite continue de hautes falaises et de hauts arbres; bref, tout n'est que hauteur.»

 

En 1937, C.F. Martin, le nouveau président de l'Art Association of Montreal, a invité Anne Savage à organiser un cours à l'intention des enfants le samedi matin. Une centaine d'élèves recommandés par quarante écoles de Montréal se sont réunis à l'AAM sur la rue Sherbrooke pour dessiner, peindre et faire des modèles en argile. Ethel Seath, directrice des arts à l'école The Study, enseignait le modelage à l'argile. Après avoir passé cinq jours en salle de classe, ces femmes consacraient leurs samedis matins à communiquer les joies de l'art aux enfants. Les cours étaient tellement populaires qu'il a fallu recruter des bénévoles, dont Alfred Pinsky, pour aider à l'enseignement artistique. La charge de travail d'Anne Savage a diminué après la venue d'Arthur Lismer à Montréal en novembre 1940; celui-ci devait superviser l'enseignement des arts au A.A.M..

 

Entre le 6 janvier et le 24 février 1939, Anne Savage a donné huit conférences sur l'art canadien à la radio anglophone de Radio-Canada. Elle a débuté la série en traçant un parallèle entre la peinture canadienne et l'œuvre du paysagiste anglais John Constable, pour terminer par trois émissions sur le Groupe des Sept et ses successeurs. Dans les années 1950, elle a donné des conférences sur les femmes peintres dans plusieurs clubs féminins montréalais. Son allocution intitulée « Femmes peintres du Canada » portait sur la contribution du Groupe Beaver Hall et mettait l'accent sur son amie prudence Heward ainsi que sur Emily Carr, peintre de l'Ouest, les identifiant comme les « deux étoiles montantes ».

 

En 1948, Anne Savage a été nommée superviseur adjoint des arts de la Commission des écoles protestantes de Montréal. Bien qu'elle ait continué à enseigner à Baron Byng trois jours semaine, ses nouvelles fonctions exigeaient d'elle un effort accru d'imagination. Comme elle l'a expliqué à A.Y. Jackson dans sa lettre du 5 octobre 1948:

 

« Je ne vivrai plus jamais tout la joie et l'excitation de l'enseignement véritablement créateur tel que je l'ai connu à Byng, quand le corps enseignant était à son meilleur, que M. Astbury était directeur et que six autres de mes bons amis y étaient aussi. Ils sont partis et la joie semble se flétrir; aussi vaut-il peut-être mieux que je tire ma révérence. »

 

L'année suivante, Anne Savage a passé beaucoup moins d'heures à Baron Byng et, en 1950, est devenue superviseur des arts, ce qui l'a amenée à consacrer tout son temps à des visites de classe et à l'administration. Comme elle reconnaissait la nécessité de fournir une aide spéciale aux professeurs de l'élémentaire en matière de pédagogie artistique, elle a mis sur pied des cours du soir à Baron Byng.

 

Même après son départ en retraite en juin 1953, Anne Savage a continué de s'occuper d'éducation. En effet, de 1955 à 1959, elle a donné un cours sur l'enseignement des arts à l'Université McGill et, en 1955 a organisé un programme de conférenciers invités pour un cours intitulé « l'Art dans notre vie » à l'Institut Thomas More. À cette époque, elle pouvait passer plus de temps à son chevalet, ce qui lui a permis de monter une petite exposition au YWCA (1956). Dans une lettre à A.Y. Jackson, elle parlait de sa satisfaction d'avoir vendu dix toiles - un « cadeau tombé du ciel » qui lui permettrait d'amener l'eau courante à son studio du lac Wonish. Il est facile de comprendre pourquoi l'artiste était si heureuse de ces ventes puisqu'à cette époque, les expositions avec jury avaient tendance à négliger la peinture figurative en faveur de l'expressionisme abstrait. Le 21 avril 1961, après avoir participé à l'exposition du printemps au Musée des beaux-arts, elle a écrit à Jackson pour lui faire part de son désenchantement de voir autant d'œuvres du même genre. « Mes propres toiles semblent jurer dans le décor et, comme le dit Lilias (Newton), nous pratiquons toutes deux un art éteint, le portrait et le paysage.»

 

Pour Anne Savage, sa famille était très importante. Elle participait de bon cœur aux pique-niques de même qu'aux séances de chant au lac Wonish et recevait la famille à sa maison de l'avenue Highland à Noël. Avec l'aide de Margaret English (Gigi), elle s'est occupée de sa mère Lella, qui est décédée en 1949, en plus d'offrir successivement le gîte à trois de ses neveux, quand ils étudiaient à l'Université McGill. Lorsque Gigi fut alitée, Anne Savage, qui considérait son ancienne gouvernante comme un membre de la famille, s'est occupée d'elle jusqu'à la fin. Une telle dévotion a cependant influé sur sa santé et pendant les trois dernières années de sa vie, Anne Savage a lutté courageusement contre l'arthrite et le cancer. Elle a toutefois eu des occasions de se réjouir, notamment lors de deux concerts-réunions à Baron Byng. Pour le second concert, en 1968, Anne Savage a organisé une exposition des toiles de ses élèves qu'elle avait soigneusement conservées. L'année suivante, elle a assisté à l'ouverture de son exposition rétrospective à l'Université Sir George Williams. Anne McDougall l'a décrite alors comme radieuse, se déplaçant avec une canne tout en remerciant ses anciens élèves d'avoir préparé cette exposition. C'était sa « dernière représentation ». Anne Savage est décédée le 25 mars 1971.

 

Anne Savage était principalement une paysagiste. Le portrait de William Brymner (reproduit dans le livre d'Anne McDougall, face à la page 64), peint alors qu'elle était encore étudiante, permet de croire qu'elle aurait pu exceller dans ce genre. Cependant, rendue à l'âge adulte, elle ne peignait de portraits que de sa famille.

 

Anne Savage trouvait ses sujets dans les paysages qu'elle connaissait et aimait - les basses Laurentides et le lac Wonish. Dans la tradition des poètes romantiques, elle donnait à la nature des qualités spirituelles. Son expérience personnelle au lac Wonish qui était pour elle source de guérison et sa foi l'ont amenée à accentuer les aspects bénéfiques de la nature. Dans Ferme du Québec (c. 1935), par exemple, les collines aux lignes arrondies, qui rappellent les formes d'une femme penchée au premier plan, suggèrent une harmonie entre la travailleuse et son environnement.

 

Même une toile du début de sa carrière comme Wonish (pour Don) (c. 1916) témoigne bien de l'aptitude d'Anne Savage à conceptualiser la nature. Comme elle l'explique à Arthur Calvin, les Laurentides représentaient pour elle un défi parce qu'elle devait trouver elle-même une composition:

 

« Tu peux aller à un village de pêcheurs et tout est là - il n'y a rien d'autre à faire que de le reproduire. Mais si tu regardes une forêt, to dois l'analyser, la comprendre, rechercher les plaines et les collines, puis faire la composition, ce qui exige un œil nettement plus attentif.»

 

Janet Braide fait valoir le talent qu'avait l'artiste d'utiliser des lignes courbes qui donnent du rythme à ses toiles. Dans Avril dans les Laurentides (c. 1940), Anne Savage dépeint une harmonie complexe entre les courbes verticales des bouleaux et les bandes horizontales de neige fondante. Dans La charrue (c. 1931), elle crée une composition très rythmée de tourbillons verts, de fossés bruns et de collines ondulantes qui sert de décor à sa charrue. Les lignes montantes de cette dernière, qui coupent le paysage en diagonale, rappellent la capacité de l'esprit humain de composer avec la nature.

 

Même si Anne Savage demeure peintre figuratif, ses œuvres subséquentes reflètent une tendance vers une plus grande abstraction. Janet Braide illustre ce penchant en comparant une série de toiles de tournesols, en commençant par Automne (c. 1935) dans laquelle les fleurs foncées se détachent sur un paysage ensoleillé et en terminant par Tournesols et lac Wonish (c. 1968) dans laquelle l'arrière-plan est réduit à des formes géométriques.

 

Les artistes et critiques d'art, comme William Brymner, ont parlé de la subtilité avec laquelle Anne Savage traitait les couleurs. Sa palette dans Automne, une de ses peintures les plus puissantes, est semblable à celle de la toile La charrue: des orangés et des bruns chauds, avec une gamme de verts et de touches de violet. Durant les années 1950, sa palette est devenue plus claire et elle a fait l'expérience de peindre sur des feuilles de masonite blanchies à la poudre de plâtre. Dans Paysage des Laurentides (c. 1960), des jaunes et des verts doux sur un fond blanc créent un effet de lumière et d'espace.

 

Alfred Pinsky a soulevé les contradictions que vivait quotidiennement Anne Savage entre la perception de l'art par la classe moyenne et sa propre vision - entre l'art comme décoration et l'art comme force motrice ou source d'inspiration. Anne Savage aurait-elle pu se développer davantage comme peintre si elle avait quitté son milieu apparenté à la classe moyenne? La réponse n'est pas si simple. Pour se dévouer toute entière à la peinture, Anne Savage aurait dû non seulement quitter la demeure familiale, mais aussi abandonner l'enseignement. Et pour elle, l'enseignement n'était pas simplement un moyen de gagner sa vie, même si c'était une considération d'importance, mais plutôt «une incitation créatrice sans pareil ».

 

Quand j'ai commencé à écrire sur Anne Savage, je me suis demandée comment elle a réussi à combiner ses deux carrières et, également, à s'acquitter des nombreuses responsabilités qu'elle s'était imposées. Je comprends aujourd'hui que les divers rôles qu'elle a joués étaient reliés entre eux. Anne Savage tirait sa force de nombreuses sources, y compris l'exemple de Minnie Clark, l'amitié des femmes du Groupe Beaver Hall et sa relation affectueuse avec A.Y. Jackson. Mais ses plus grandes ressources étaient intérieures. En effet, Anne Savage croyait que l'art était l'expression du niveau le plus élevé de l'esprit humain. Autant quand elle peignait que lorsqu'elle faisait découvrir aux autres la beauté qui les entourait, elle travaillait avec un abandon total, avec intensité et joie!

 

© Copyright Barbara Meadowcroft & Galerie Walter Klinkhoff Inc.

 

Madame Barbara Meadowcroft, Ph.D., est fellow en recherche à l'Institut Simone de Beauvoir de l'Université Concordia. Elle a rédigé les textes des catalogues pour l'exposition Mabel Lockerby (1989) et l'exposition Sarah Robertson (1991) présentées à la Galerie Walter Klinkhoff; elle écrit présentement un livre sur le Groupe Beaver Hall.

 

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