En 1913, le Daily Herald dans sa revue de l'exposition du printemps de l'Art Association of Montreal, faisait référence à l'artiste comme le prodige de Pointe-Saint-Charles et déclara: « Mlle Emily Coonan... présente un groupe [de toiles] peint dans un style très personnelle qui lui est caractéristique et un portrait, Girl in Green, qui fait montre d'un progrès marqué quant à la composition ». Evelyn Walters, dans son livre The Women of Beaver Hall, 2005

Assurément la plus mystérieuse et la plus secrète des membres appartenant au groupe du Beaver Hall, Emily Coonan doit davantage son association au groupe à des facteurs circonstanciels qu’à une active et réelle participation. Le fait que Coonan ait suivit les cours de William Brymner dans la même période que Ethel Seath et Mabel May, qu’elle ait voyagé avec cette dernière en France afin de parfaire leur talent artistique, qu’elle ait loué un studio sur la Côte du Beaver Hall et qu’elle ait exposé régulièrement avec le groupe, ne fut pas suffisant pour qu’elle fasse partie de la « bande ». Peut-être se sentait-elle exclut de ce monde « aisé » et de confession protestante?

 

Irlandaise d’origine, Emily a habité le même quartier irlandais de Pointe St-Charles pendant près de quatre-vingts ans. Sa mère consciente du talent artistique de ses filles, Emily et Eva, s’est assurée qu’elles reçoivent l’éducation nécessaire à leur développement, l’une en peinture, l’autre en musique. C’est ainsi qu’Emily suivit les cours offerts par le Conseil des Arts et Manufactures en 1898, et les cours de William Brymner, en 1905. Ce dernier a toujours reconnu le potentiel créateur chez Emily.

 

Emily a gagné plusieurs prix et bourses au cours de sa courte carrière professionnelle. La plus importante fut probablement la bourse de voyage des fiduciaires du Musée des beaux-arts du Canada qui lui permit de se rendre en France une deuxième fois. Fait remarquable, elle en fut la première récipiendaire, en 1914. Le voyage fut reporté à 1920, en raison de la guerre.

 

Si un certain succès l’accompagnait entre 1900 et 1915, il en fut tout autrement à son retour d’Europe. La critique n’était peut-être pas prête pour un style plus formaliste. Les tableaux d’Emily étaient orientés vers la perception des sujets, et le traitement qu’elle en faisait était nettement influencé par les courants impressionnistes et postimpressionnistes européens. Coonan a été invité à exposer ses toiles avec celles du Groupe des Sept, bien que ses représentations faisaient davantage référence aux paysages impressionnistes français qu’à une représentation du territoire canadien. Emily ne reproduisait pas la nature ou le sujet, elle l’utilisait pour confronter le spectateur à l’artifice de la peinture. Son travail constant sur la composition, le jeu des motifs et des textures démontre la modernité de son attitude. Elle vivait « l’art pour l’art », et le fit jusqu’à la fin. Sa dernière exposition eut lieu en 1933, où elle y présenta Le Kimono Chinois.

 

On ne connaît pas les raisons de son retrait de la communauté artistique. Probablement plusieurs éléments l’ont poussé à le faire. Les critiques acharnés de Morgan-Powell dont elle fut l’objet à plusieurs occasions, le décès de son mentor, William Brymner, en 1925, le décès de son père en 1932, la Grande Dépression, sont autant des raisons qui prises individuellement peuvent sembler anodines mais qui en s’accumulant, peuvent avoir raison d’une personne déjà encline à la solitude.

par Mary Trudel

Cette tendance misanthrope qui la tenait éloignée de toutes activités sociales, lui permit de se consacrer entièrement à sa passion, la peinture. Elle le fit jusqu’à la fin de sa vie. Malheureusement le manque de contact extérieur fut nuisible à l’évolution de sa recherche formaliste.

 

© Mary Trudel et Galerie Alan Klinkhoff, Inc.

 

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